Par Me Frédéric Dechamps, Avocat au barreau de Bruxelles
C’est avec grand plaisir que je partage mon expérience en qualité « d’avocat-entrepreneur ».
Je n’aurais en effet jamais pu imaginer, au moment d’entamer mon stage au sein du Barreau, que l’évolution de ma carrière me porterait vers une telle prise de risques, et surtout vers les nouvelles technologies.
Le prix récent reçu de l’incubateur pour le projet LawBox revêt, à titre personnel, une saveur très particulière.
En effet, contrairement à d’autres Confrères, je dois bien avouer que ma vocation première ne me portait pas vers le droit. J’avais plutôt imaginé voyager vers des contrées lointaines pour exercer une activité de biologiste sous-marin.
C’est donc un peu par hasard que je me suis tourné vers le droit. Très rapidement, la nature indépendante et variée de notre métier m’a plu. Déjà, dans le cadre de mon stage, j’essayais, tant bien que mal, de développer ma propre clientèle pour être le plus indépendant possible.
Sans doute les germes de l’entreprenariat étaient déjà nés à ce moment. Pourtant, la formation reçue tant à l’Université qu’au sein du Barreau ne poussent pas l’avocat vers l’entreprenariat alors que je pense sincèrement que l’entreprenariat au sens large devrait être dans l’ADN de l’avocat.
Très rapidement, je me suis rendu compte que ma clientèle venait au cabinet pour des besoins spécifiques relativement simples. Mes clients avaient en effet besoin, rapidement, de conditions générales, d’un accord de confidentialité, d’un contrat de travail, etc.
C’est à ce moment qu’est née l’idée de développer une plateforme d’automatisation de documents juridiques.
Nous sommes en 2014 et, à ce moment, on ne parlait certainement pas de legaltechs en Belgique.
J’ai eu le sentiment à cet instant d’avoir deux choix possibles : soit je décidais d’améliorer mon processus interne au sein du cabinet pour aider mes clients de la meilleure manière qui soit en étant le plus efficace, soit, je partais de l’idée qu’en réalité, ce besoin était certainement plus large et varié, de telle sorte qu’il y a certainement un « produit » à construire et à diffuser.
Le second choix impliquait de me poser une question : comment entreprendre tout en restant avocat. En effet, je n’avais pas le souhait de quitter le Barreau et j’étais également persuadé que ma qualité d’avocat pouvait aider le projet qui était en lien très étroit avec mon activité d’avocat.
A ce moment, à l’instar de tout autre entrepreneur, les difficultés sont assez nombreuses. Il ne faut pas se leurrer, le besoin premier pour développer un tel type de produit ou de service est le besoin financier. Il faut des fonds pour mettre au point un « proof of concept ». Oui, il faut également adopter et maîtriser une nouvelle terminologie qui nous est étrangère.
Entreprendre alors que l’on a la qualité d’avocat est d’autant plus difficile qu’il faut parvenir à concilier son engagement et ses obligations déontologiques avec la nécessité d’entreprendre qui, forcément, pousse l’entrepreneur à présenter ses produits et services, à chercher de l’argent auprès d’investisseurs, etc.
Toutes ces activités quotidiennes de l’entrepreneur sont, si pas incompatibles, à tout le moins très difficiles alors que l’on est avocat. A un moment donné, cette situation quelque peu schizophrénique devient difficilement gérable au quotidien. Comme tout entrepreneur, je suis convaincu qu’il est essentiel de bien s’entourer. Grâce à des conseils avisés de personnes externes (et surtout étrangères au métier d’avocat), très rapidement, une structuration et une cohérence peut se mettre en place.
En effet, il faut faire appel à des compétences que nous n’avons pas nécessairement en qualité d’avocat. Il faut également apprendre à maîtriser une terminologie, un univers, des réflexes qui nous sont totalement inconnus. Il est évident que la position d’entrepreneur et la position d’avocat est différente et quand il s’agit de son propre projet, on voit les choses autrement.
C’était donc, pour moi, une expérience extrêmement enrichissante car je pense avoir développé des compétences particulières en marketing, communication, négociation, etc., qui peuvent m’aider également dans mon quotidien d’avocat. J’ai d’ailleurs remarqué que certains clients se tournaient vers moi et mon cabinet car ils appréciaient ce mélange entre l’avocat et l’entrepreneur.
Je pense que pour l’avenir, rester cantonné dans un métier d’avocat est devenu assez compliqué. L’avocat doit être ouvert au monde extérieur et ouvert à ses clients et doit, avant tout, chercher des solutions pratiques.
Si ces solutions pratiques peuvent amener une idée de projet ou de développement, je ne saurai que trop conseiller à mes Confrères de faire le pas et de ne pas hésiter à entreprendre. Il y a, autour de notre profession, énormément de gens de qualité qui peuvent aider et conseiller les avocats dans ce rôle si particulier.
Je plaide aussi et surtout pour que notre profession saisisse cette opportunité d’évolution et assiste les Confrères (jeunes et moins jeunes) dans cette transformation de notre métier. L’incubateur est un premier pas mais nous pouvons faire beaucoup mieux.
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